Urologie

Hypogonadisme masculin : bénéfices ciblés mais risques spécifiques de la testostérone

Chez l’homme d’âge moyen ou âgé avec hypogonadisme clinique et biologique, la supplémentation testostérone améliore surtout la fonction sexuelle et corrige l’anémie, avec des gains modestes sur l’énergie, l’humeur et la marche. La tolérance cardiovasculaire est globalement rassurante, mais il existe une augmentation du risque de fractures et d’embolie pulmonaire.

  • Marc Bruxelle/istock
  • 09 Aoû 2025
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    L’hypogonadisme net d’origine hypophysaire ou testiculaire se manifeste classiquement par baisse de la libido et de l’activité sexuelle, une perte des caractères sexuels secondaires, une fonte musculaire, des bouffées vasomotrices et une anémie. La supplémentation en testostérone corrige la plupart de ces anomalies.

    Aujourd’hui, la majorité des prescriptions concernent cependant des hommes d’âge mûr, poly-pathologiques, avec des taux seulement modérément abaissés et des symptômes peu spécifiques, rendant le rapport bénéfice-risque moins évident. Les essais contrôlés contemporains (TTrials, TRAVERSE, T4DM) apportent une vision plus nuancée : ils montrent des effets positifs circonscrits mais aussi des risques à connaître pour une décision individualisée fondée sur la sévérité du déficit (au moins deux dosages matinaux à jeun). Une revue parue dans le New England Journal of Medicine en fait le point.

    Ce que la testostérone améliore réellement

    Le bénéfice le plus constant de la supplémentation en testostérone est sexuel. Dans les TTrials (790 hommes, âge moyen 72 ans, testostérone basale 234 ng/dL), le traitement a augmenté l’activité sexuelle d’environ 40 %, la libido d’environ 25 % et la fonction érectile d’environ 35 % par rapport au placebo ; le gain d’érection reste toutefois inférieur à celui observé avec les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5.

    La testostérone corrige fréquemment l’anémie : dans TRAVERSE (5204 hommes, suivi moyen 33 mois), un tiers des patients ont gagné ≥1 g/dL d’hémoglobine et la correction de l’anémie a été significativement plus fréquente sous testostérone. Les effets sur l’énergie, l’humeur et la performance physique existent mais restent modestes : améliorations de 3–5 % selon les échelles, et hausse de 6–7 m au test de marche de 6 minutes dans les TTrials.

    Là où le bénéfice n’est pas au rendez-vous

    La testostérone n’améliore pas la cognition en l’absence de trouble cognitif constitué et ne prévient pas la progression vers le diabète chez les hommes prédiabétiques, ni n’améliore l’équilibre glycémique des diabétiques dans TRAVERSE et TTrials.

    L’essai T4DM, positif sur la tolérance au glucose, associait testostérone injectable et intervention intensive sur le mode de vie chez des hommes souvent eugonadiques et a exposé à davantage d’érythrocytoses, limitant la généralisation de ses résultats aux hypogonadismes avérés.

    Sécurité : des signaux à surveiller sans alerter à tort

    TRAVERSE démontre la non-infériorité sur les MACE (HR 0,96 ; IC à 95 % 0,78–1,17) chez des hommes à haut risque cardiovasculaire : pas d’excès d’infarctus, d’AVC ni de décès cardiovasculaires. Pas d’augmentation du risque de cancer de la prostate ni de rétention aiguë urinaire ; les symptômes du bas appareil n’empirent pas de manière cliniquement pertinente. Par contre, le traitement par la testostérone fait progresser le taux de PSA et augmente ainsi la probabilité d'une biopsie de la prostate, ce qui augmente le risque de détecter un cancer de la prostate de bas grade.

    En revanche, deux effets secondaires émergent : embolie pulmonaire plus fréquente (0,9 % vs 0,5 % sous placebo) et fractures cliniques en hausse (risque relatif +43 %, avec séparation précoce des courbes. Le traitement par testostérone chez les hommes souffrant d'hypogonadisme améliore la densité et l'architecture osseuses, mais, paradoxalement, dans l'essai TRAVERSE, ce traitement a été associé à une augmentation du risque de fracture (cheville, poignet et côtes), ce qui suggère que la testostérone augmente l'incidence des fractures par un mécanisme différent. Les arythmies/FA sont numériquement plus nombreuses (5,2 %/3,5 % vs 3,3 %/2,4 %), sans confirmation constante en méta-analyse. L’érythrocytose reste rare avec les gels transdermiques et une titration physiologique, mais est beaucoup plus fréquente avec les esters injectables à hautes expositions.

    Implications pratiques : choisir, titrer, surveiller

    Dans l’état actuel des connaissances, il paraît de bonne médecine de réserver la prescription de testostérone aux hypogonadismes incontestables (testostérone inférieure à la limite basse à deux reprises, symptômes compatibles), en expliquant que le bénéfice attendu est prioritairement sexuel et hématologique. Avant d’initier, il convient d’évaluer le risque prostatique et les symptômes urinaires, de dépister une thrombophilie ou des antécédents de maladie thromboembolique veineuse (discuter une prophylaxie en cas d’antécédent), et d’apprécier le risque fracturaire et instaurer un traitement de l’ostéoporose si celui-ci est indiqué. Il paraît prudent de privilégier des doses visant la fourchette physiologique, avec contrôle de l’hématocrite, du PSA et d’une NFS réguliers ; sous gels transcutanés, la probabilité d’une érythrocytose est faible si la titration est prudente. En cas de plainte érectile prédominante, discuter d’emblée une prise en charge dédiée (IPDE5).

    En synthèse, chez l’homme hypogonadique, la testostérone en gel transdermique rend des services ciblés sans majorer le risque cardiovasculaire majeur, mais expose à un sur-risque de fractures et d’embolie pulmonaire qui impose une sélection et un monitoring serrés. La décision doit rester partagée, et proportionnée à la sévérité du déficit et au profil de risque du patient.

     

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    JDF