Pneumologie

PR et pneumopathie interstitielle diffuse : l’abatacept réduit sa progression

Dans une analyse post hoc de 10 essais randomisés de phase 3, les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) traités par abatacept + méthotrexate (MTX) ont moins d’événements de pneumopathie interstitielle (ILD) que sous placebo + MTX. Ce signal favorable concerne aussi des sous-groupes classiquement à risque.

  • Natali_Mis/istock
  • 13 Septembre 2025
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    La pneumopathie interstitielle (RA-ILD) est une complication fréquente et grave de la polyarthrite rhumatoïde (PR), avec une morbi-mortalité et une consommation de soins accrues. Dans ce contexte, l’effet des biothérapies sur la pneumopathie interstitielle reste débattu. L’analyse rétrospective de données de sécurité poolées issues de 10 essais de phase 3 a comparé l’incidence des « ILD events » (incluant pneumopathies/ILD présumées) sous abatacept + MTX versus placebo + MTX. Au total, 3708 patients (10 521 personnes-années) ont reçu abatacept + MTX et 999 (938 personnes-années) placebo + MTX.

    Selon les résultats publiés dans Seminars in Arthritis and Rheumatism, l’incidence brute des événements ILD serait plus faible sous abatacept : 0,10/100 personnes-années (IC à 95 % 0,05–0,18) contre 0,43 (0,16–1,14) sous placebo, soit un rapport d’incidences (IRR) de 4,49 (1,23–13,42) en défaveur du placebo. Ces résultats s’alignent sur des estimations antérieures suggérant une incidence de pneumopathie interstitielle moindre avec l’abatacept que sous plusieurs alternatives, tout en laissant ouverte l’hypothèse d’un bénéfice lié au meilleur contrôle de l’inflammation systémique.

    Un signal protecteur sur les événements ILD

    Au-delà de l’analyse globale, celle des sous-groupes apporte des éléments opérationnels. Chez les patients âgés ≥ 55 ans, avec IMC < 30 kg/m², sans tabagisme, sans autre traitement de fond (DMARD) que le MTX, sans exposition préalable aux anti-TNF, avec activité élevée (DAS28-CRP), séropositifs RF ou ACPA et recevant des corticoïdes, le taux d’événements ILD est significativement inférieur sous abatacept + MTX par rapport au placebo + MTX.

    De plus, le recours à l’hospitalisation est moins fréquent sous abatacept, renforçant l’argument d’un profil respiratoire plus favorable. La convergence de tous les IRR de sous-population en faveur de l’abatacept, y compris chez des patients avec cumul de risque, suggère un effet robuste, même si la faible fréquence absolue des événements impose la prudence. Sur le plan de la tolérance, aucun signal inattendu spécifique ILD n’émerge de cette compilation d’essais, mais l’étude n’était pas dimensionnée pour des comparaisons de tolérance fines entre biothérapies.

    D’où viennent les données et que changer en pratique ?

    Cette analyse repose sur des essais randomisés, en double aveugle, contrôlés versus placebo, homogénéisés a posteriori pour évaluer des événements ILD catalogués comme « interstitial lung » dans les bases de données de sécurité. La taille agrégée (4707 patients ; 11 459 personnes-années) et la nature des données renforcent la validité interne et limitent les biais de confusion par indication.

    Néanmoins, plusieurs limites doivent tempérer l’interprétation : asymétrie des durées d’exposition (placebo plus court par éthique), petit nombre absolu d’événements (n=14 au total), incapacité à distinguer ILD incidentes des poussées de RA-ILD préexistantes, hétérogénéité potentielle des définitions d’événements et absence d’ajustement sur la dose de corticoïdes. Ces éléments restreignent la généralisabilité à l’ensemble des patients RA-ILD et empêchent de conclure à un effet antifibrosant propre.
    Selon les auteurs, ces résultats soutiennent le choix de l’association abatacept + MTX comme option à considérer dans le traitement des polyarthrites rhumatoïdes avec risque de pneumopathie interstitielle (âge, séropositivité, activité élevée), en particulier lorsque l’on souhaite minimiser la probabilité d’événements respiratoires indésirables. Ils plaident pour un dépistage structuré de l’ILD (clinique, EFR avec DLCO, HRCT selon le risque) avant et pendant le traitement, et pour une coordination rhumato-pneumologique afin d’anticiper les exacerbations.

    Les priorités de recherche incluent des essais prospectifs dédiés comparant les DMARDs chez des patients RA-ILD phénotypés (patterns HRCT, progression fonctionnelle), avec critères durs respiratoires, collecte standardisée des événements et prise en compte de l’impact des antifibrotiques (nintedanib/pirfénidone) en co-traitement. En attendant ces données, l’abatacept apparaît comme une option rationnelle chez les PR exposées à un risque de pneumopathie interstitielle diffuse, dans une stratégie personnalisée intégrant contrôle de l’activité articulaire et vigilance respiratoire.

     

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