Pédiatrie

Grippe et encéphalopathie nécrosante aiguë de l’enfant : une statégie est nécessaire

L'encéphalopathie nécrosante aiguë associée à la grippe provoque une morbi-mortalité sévère chez des enfants souvent en bonne santé, soulignant l’importance du diagnostic précoce, la nécessité d’une intensification de la prise en charge aiguë et une prévention vaccinale.

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  • 01 Aoû 2025
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    L'encéphalopathie associée à la grippe (EAG) désigne un ensemble de syndromes neurologiques déclenchés par la grippe, allant d'une encéphalopathie transitoire et bénigne à une lésion cérébrale fulminante avec inflammation, œdème ou nécrose. L'encéphalopathie nécrosante aiguë (ENA) représente la forme la plus grave d'EIA. Il s'agit d'une pathologie neurologique rare mais dévastatrice qui touche de manière disproportionnée les enfants. Ce syndrome se caractérise par un déclin neurologique rapide après un prodrome viral et se manifeste par des lésions thalamiques distinctives et une inflammation cérébrale généralisée, entraînant souvent une morbidité et une mortalité élevées.

    Le terme « nécrosante » reflète les constatations radiologiques et pathologiques des lésions thalamiques, caractéristiques de la maladie, tandis que le terme « encéphalopathie » désigne un dysfonctionnement cérébral diffus associé à une lésion inflammatoire. L'ANE est principalement déclenchée par des virus. Bien qu'elle soit le plus souvent associée à la grippe, l'ANE a été signalée à la suite d'une infection par le SARS-CoV-2, le virus de l'herpès humain 6 et d'autres agents pathogènes infectieux. Dans certains cas, des facteurs génétiques dont le gène RANBP2 peuvent prédisposer certaines personnes à l'ANE.

    La saison grippale 2024-2025, marquée par une gravité similaire à celle de la pandémie de H1N1 en 2009, a vu une augmentation préoccupante des cas d’encéphalopathie nécrosante aiguë (ENA), la forme la plus sévère des encéphalopathies associées à la grippe (EAG). Une étude nationale américaine récente, impliquant 41 enfants diagnostiqués durant deux saisons grippales consécutives, révèle la gravité exceptionnelle de cette complication neurologique. Les résultats principaux, publiés dans le JAMA, mettent en évidence une mortalité élevée (27 %), avec un décès médian intervenant trois jours après le début des symptômes. Parmi les survivants, 63 % présentent des handicaps modérés à sévères trois mois après leur hospitalisation, mettant en avant l’urgence d’une meilleure compréhension et gestion de cette affection rare mais dévastatrice.

    Des manifestations sévères chez des enfants initialement en bonne santé

    Cette série de cas regroupe 41 enfants âgés de 5 ans en médiane (écart interquartile [EI], 2-8 ans), majoritairement sans antécédent médical (76 %). À l'admission, 93 % présentaient une fièvre élevée, 100 % une encéphalopathie sévère, et 68 % des convulsions. Le virus identifié était principalement de type influenza A (95 %), avec une prédominance des sous-types A/H1pdm2009 (14 cas) et A/H3N2 (7 cas).

    Les anomalies biologiques fréquentes incluaient l'élévation des transaminases hépatiques (78 %), une thrombopénie modérée (63 %), et une augmentation des protéines dans le liquide céphalorachidien (63 %). Chez 47 % des enfants testés génétiquement, des variants potentiellement liés à l’ENA, notamment sur le gène RANBP2, ont été identifiés. Seuls 16 % des enfants avaient reçu le vaccin antigrippal saisonnier.

    Le traitement a souvent eu recours à une combinaison de molécules immunomodulatrices : méthylprednisolone (95 %), immunoglobulines intraveineuses (66 %), tocilizumab (51 %), anakinra (5%) et plasmaphérèse (32 %). Malgré ces interventions, la durée médiane de séjour en réanimation était de 11 jours, et la durée médiane d’hospitalisation de 22 jours. Les décès résultaient principalement d'une hernie cérébrale due à l’œdème cérébral massif.

    Une alerte préoccupante issue d'une saison grippale particulièrement sévère

    Cette étude multicentrique américaine a identifié rétrospectivement les cas d’ENA grâce à un appel national aux centres hospitaliers pédiatriques. La rigueur des critères d'inclusion, reposant sur l’imagerie cérébrale caractéristique (lésions bilatérales des thalamus) et la confirmation virale de la grippe, garantit une bonne représentativité des cas sévères aux États-Unis, bien que l’absence d'une surveillance nationale systématique puisse limiter l’exhaustivité de ces résultats.

    Selon un éditorial associé, ces données appellent à un changement rapide dans les pratiques cliniques, en particulier une intensification de la prévention vaccinale et une standardisation des protocoles thérapeutiques face à cette affection dramatique. À terme, des études prospectives internationales et des registres multicentriques seront essentiels pour mieux comprendre les déterminants génétiques et immunologiques de l’ENA, et pour tester efficacement l’impact de stratégies thérapeutiques innovantes sur l’évolution de cette pathologie neurologique gravissime.

     

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    JDF