Pédiatrie

Eczéma de l’enfant : l’application quotidienne d’émollient réduit son incidence

Chez des nourrissons non sélectionnés, l’essai pragmatique CASCADE, montre que l’application précoce et quotidienne d’un émollient sur tout le corps diminue le risque de dermatite atopique à 24 mois. L’intervention, bien tolérée, pourrait s’intégrer aux conseils de soins de peau en soins primaires.

  • 11 Septembre 2025
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    La dermatite atopique (DA) débute tôt, altère le sommeil, la qualité de vie et favorise l’atopie ultérieure. Des biomarqueurs inflammatoires cutanés précèdent la maladie et les variants de FLG, principaux facteurs génétiques, fragilisent la barrière épidermique, justifiant une stratégie de prévention « barrière ». Les essais antérieurs d’émollients ont donné des résultats hétérogènes, souvent limités à des nourrissons à haut risque ou à des milieux spécialisés.

    L’étude CASCADE comble ce manque en évaluant une prévention en soins primaires : 1 247 binômes nourrisson-parent issus de 25 cabinets pédiatriques/médecine de famille (4 réseaux de recherche en pratique) ont été randomisées entre émollient corporel quotidien instauré avant 9 semaines et abstention d’émollient. Le critère principal était une dermatite atopique diagnostiquée par un clinicien à 24 mois.

    Selon les résultats publiés dans le JAMA Dermatology, l’incidence cumulée de DA est de 36,1 % avec émollient contre 43,0 % sans, soit un risque relatif de 0,84 (IC à 95 % 0,73–0,97 ; p = 0,02), correspondant à un nombre de nourrisson à traiter (NNT) d’environ 15. Ces données soutiennent l’hypothèse d’un rôle initiateur de l’atteinte de la barrière cutanée et l’intérêt d’une prise en charge universelle, simple et dès les premières semaines.

    Un bénéfice accentué hors terrain atopique

    L’effet protecteur s’avérait plus marqué chez les nourrissons sans antécédents familiaux atopiques (RR 0,75 ; 0,60–0,90 ; p = 0,01), suggérant une prévention plus efficace lorsque la vulnérabilité tient d’abord aux agressions de barrière plutôt qu’à une dysrégulation immunitaire héréditaire. La présence d’un chien au domicile modulait favorablement l’effet (RR 0,68 ; 0,50–0,90 ; p = 0,01), observation compatible avec des interactions environnement-barrière encore à élucider. Les analyses de sensibilité appuyaient la robustesse du signal, y compris pour les définitions nécessitant un traitement prescrit.

    Côté tolérance, aucun excès d’événements cutanés n’a été observé entre groupes ; l’intervention n’a pas majoré les infections cutanées ni les réactions aux produits, confortant la faisabilité d’un usage quotidien prolongé. À noter que la prévalence globale de DA à 2 ans était élevée dans cette cohorte, mais la réduction relative liée à l’émollient demeurait d’ampleur clinique.

    La barrière cutanée comme cible préventive

    CASCADE est un essai randomisé, décentralisé et pragmatique sur 2 ans de suivi (2018–2021, avec un suivi jusqu’en 2023), en soins primaires, avec enquêtes électroniques trimestrielles pour la sécurité et extraction standardisée des dossiers médicaux. Sa force principale tient à la taille, à l’inclusion non sélective et au réalisme des conditions d’intervention. Des limites tempèrent toutefois la généralisation : choix d’émollients variés (dont seulement certains contenaient des céramides), adhérence déclarative, absence de génotypage FLG et de tests formels d’allergie, non-prise en compte des pratiques de bain, et gratuité des produits en essai qui pourrait limiter l’extrapolation en contexte réel. Certaines définitions validées de la DA atténuaient le signal, invitant à affiner les critères de jugement dans de futurs travaux.

    Selon un éditorial associé, ces données justifient d’intégrer, lors des visites du nourrisson, une recommandation de soins de barrière : application quotidienne d’un émollient simple, sans parfum ni irritants, idéalement à profil pro-barrière), débutée dans les 2 premiers mois, avec information des familles sur l’intérêt d’une routine régulière et le repérage des intolérances. La priorité pourrait être accordée aux nourrissons sans fort terrain atopique, tout en offrant une décision partagée pour les autres.

    Les perspectives de recherche incluent des essais comparatifs entre formulations standardisées des émollients (céramides vs non-céramides), des analyses coût-efficacité en population générale, l’exploration de modificateurs d’effet (génotype FLG, exposition aux animaux), et le suivi à long terme des comorbidités allergiques. L’objectif est d’aboutir à des recommandations de soins cutanés pédiatriques fondées sur des preuves, simples à mettre en œuvre et socialement soutenables.

     

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