Oncologie
Cancer : comment les hormones sexuelles féminines favorisent les métastases
Des chercheurs français ont identifié un nouveau mécanisme moléculaire liant les œstrogènes à l’aggravation de certains cancers jusqu’ici considérés comme non liés aux hormones.

- Par Geneviève Andrianaly
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- damiangretka/iStock
"Les inégalités entre les sexes face au cancer sont bien documentées, mais leur compréhension limitée actuelle freine les progrès de la médecine et des thérapies de précision. La prise en compte de l'origine ethnique, de l'âge et du sexe est essentielle à la prise en charge des patients atteints de cancer, car ces facteurs sont à l'origine d'importantes différences d'incidence et de réponse au traitement. La production d'hormones liée à l'âge, qui présente une divergence constante entre les sexes, est sous-estimée dans les cancers non reconnus comme hormono-dépendants", selon des scientifiques de l’Institut Curie.
Dans une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature, ces derniers se sont penchés sur le rôle des hormones dans les cancers non classiquement considérés comme hormono-dépendants. Ils sont partis d’un constat : plusieurs cancers, en particulier le mélanome, sont plus fréquents chez les femmes entre la puberté et la ménopause que chez les hommes au même âge. Pour rappel, cette période est marquée par une forte exposition aux œstrogènes, à savoir les hormones féminines sexuelles. "Empiriquement, les dermatologues constataient déjà une incidence plus élevée de mélanomes chez les jeunes femmes, notamment après la grossesse", a déclaré le Dr Lionel Larue, directeur de recherche à l’Inserm et chef d’équipe à l’Institut Curie.
Les œstrogènes jouent un rôle dans la prolifération des cellules cancéreuses
Lors des travaux, les chercheurs ont découvert une voie de signalisation, jusqu’à présent inconnue, strictement dépendante de l’environnement hormonal féminin. Dans le détail, le mécanisme favorise la croissance des tumeurs, la migration et l’invasion des cellules tumorales, ainsi que leur résistance à un processus de mort cellulaire, particulièrement actif chez les femmes, normalement impliqué dans la prévention de la dissémination métastatique. L’équipe a constaté que les femmes préménopausées présentent une vulnérabilité accrue aux cancers et ont identifié l'E-cadhérine, une molécule d'adhésion cellulaire, comme un composant essentiel de la réponse œstrogénique dans divers cancers, dont le mélanome.
La boucle de régulation détectée "implique différents acteurs moléculaires clés dont ESR1 (le récepteur aux œstrogènes) qui induit le récepteur GRPR (pour Gastrin-releasing peptide receptor), entraînant l’activation de la voie pro-métastatique YAP14 laquelle réprime la E-cadhérine (ECAD), une molécule d’adhésion cellule-cellule dont la diminution facilite la progression tumorale. La boucle est refermée par l’induction de la transcription de ESR1 après la réduction du niveau de ECAD", ont expliqué les chercheurs dans un communiqué.
Cancer : cibler le récepteur GRPR pour réduire la formation de métastases
Chez des souris présentant un mélanome, les auteurs ont découvert une voie de sensibilisation aux œstrogènes reliant l'E-cadhérine, la β-caténine, le récepteur α des œstrogènes et le GRPR, qui favorise l'agressivité du mélanome chez les femmes. L'inhibition de cette voie en ciblant le récepteur GRPR ou récepteur α des œstrogènes réduit les métastases chez les rongeurs, "ce qui témoigne de son potentiel thérapeutique." Les chercheurs suggèrent que le ciblage d'un récepteur couplé à la protéine G par des médicaments peu utilisés dans le traitement du cancer pourrait être plus efficace dans le traitement des cancers dépendants de l'E-cadhérine chez la femme.