Pneumologie
Bronchiolite oblitérante post-greffe : les IgA sécrétoires comme biomarqueur ?
Un déficit en IgA sécrétoires produits par la muqueuse bronchiques pourrait être un biomarqueur précoce de l'apparition d'une bronchiolite oblitérante post-transplantation pulmonaire et ils pourraient également ouvrir la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques chez les patients ayant bénéficié d’une greffe de poumons ou de moelle osseuse. D’après un entretien avec Olivier BRUGIERE.

Une étude dont les résultats sont parus en mai 2025, dans l’European Respiratory Journal, a cherché à démontrer que l’altération de l’immunité muqueuse à IgA avait un rôle dans le développement de la bronchiolite oblitérante chez les patients greffés pulmonaires. Pour cela, les auteurs ont analysé l’immunité muqueuse à IgA chez des patients de la cohorte COLT française de greffés pulmonaires, ainsi que chez des patients issus d’une cohorte de l’hôpital Foch de Suresnes. l’immunité muqueuse à IgA de ces patients a été analysée pendant la période précoce de greffe (1ère année de greffe) chez des patients stables sur le plan respiratoire. L’expression du récepteur à IgA de la muqueuse bronchique en histologie ainsi que le taux d’IgA sécrétoires dans le liquide bronchoalvéolaire (LBA) ont été analysés. Les taux d’IgA périphériques dans le sang ont également été analysés. Les résultats ont montré que le dosage d’IgA sécrétoires dans le LBA était significativement plus bas chez les patients qui allaient développer ultérieurement une bronchiolite oblitérante (équivalent du rejet chronique) au cours du suivi.
Quid de l’immunité muqueuse chez les patients greffés
Le professeur Olivier BRUGIERE, pneumologue dans le service de transplantation pulmonaire de l’Hôpital Foch, à Suresnes, et auteur de ce travail, rappelle que la greffe pulmonaire est envisagée chez les patients ayant une insuffisance respiratoire chronique et dont le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme. Ces quinze dernières années, des progrès significatifs dans la prise en charge des patients greffés pulmonaires ont été réalisés mais le risque d’apparition d’un rejet chronique, même si son incidence a diminué, reste la complication principale chez ces patients. Ce rejet chronique, qui entraine une dysfonction chronique du greffon, a pour principal phénotype la bronchiolite oblitérante (BO) (environ 80% des cas). Cette BO représente également une complication fréquente de la greffe de moelle osseuse. Il y a quelques années, environ un patient sur deux développait une bronchiolite oblitérante à 5 ans de la greffe. Aujourd’hui, environ 40% des patients en seront atteints à 5 ans, via une amélioration de la prise en charge du rejet. Olivier BRUGIERE précise que l’immunité muqueuse à IGA a été très largement explorée dans d’autres maladies bronchiques, notamment par l’équipe du Pr François CARLIER (auteur de ce travail), et du Pr Charles PILETTE. De nombreuses données ont montrées sur l’altération de l’immunité muqueuse en cas de BPCO, d’asthme ou encore de mucoviscidose. Cette altération de l’immunité muqueuse augmente la fréquence des infections et des exacerbations et provoque un déclin respiratoire. Il rappelle que les IgA sécrétoires sont très différentes des IgA monomériques périphériques. Elles sont multimériques, produites au sein de la muqueuse et une fois dans la lumière sont capable de provoquer un trapping antigénique vis-à-vis des agents infectieux, et participant ainsi à l’immunité innée.
Des IgA sécrétoires en aérosols seraient un élément de solution
Olivier BRUGIERE explique que les IgA sécrétoires sont très diminuées chez les patients qui développeront une bronchiolite oblitérante. Il précise qu’une analyse multivariée (modèle de Cox) effectuée en groupant tous les facteurs connus et/ou suspectés comme favorisant la survenue d’une bronchiolite oblitérante a montré qu’un taux abaissé d’IgA sécrétoire dans le LBA était associé de façon indépendante à l’apparition d’une bronchiolite oblitérante. Les patients ont été évalués également sur la fréquence de survenue des infections bactériologiques, virales ou mycologiques, et il a été observé que la fréquence des infections est significativement associée à un taux d’IgA sécrétoires abaissé. Du fait que la répétition d’ infections est associée à l’apparition de la BO post-greffe, une perspective de traitement serait donc un apport d’IgA sécrétoires en aérosols chez ces patients, à visée substitutives, et dans le but de prévenir l’apparition d’une BO, en créant une barrière immunitaire. Pour lui , ces résultats sont très intéressants car ils constituent des pistes ciblées pour un développement thérapeutique. Certains laboratoires s’intéressent à cette voie de recherche en essayant de produire des IgA sécrétoires ou des Ig polyvalentes enrichies en IgA.
En conclusion, l’immunité muqueuse à IgA est altérée de façon très précoce chez certains patients greffés pulmonaires, à avec une baisse de la densité du récepteur polymérique à IgA et une baisse du taux alvéolaire des IgA sécrétoires. Cette baisse du taux d’IgA sécrétoires dans le compartiment alvéolaire est hautement prédictive du développement d’une bronchiolite oblitérante, en lien avec une augmentation des exacerbations et des infections, ce qui pourrait constituer un trigger de bronchiolite oblitérante. Ces résultats ouvrent une piste thérapeutique pour cette complication fréquente de la greffe pulmonaire…