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Cancer de l’endomètre à haut risque : stratification moléculaire pour orienter l’intensité du traitement adjuvant

Dans les cancers de l’endomètre à haut risque, à 10 ans, l’essai PORTEC-3 montre un gain de survie globale et sans récidive avec chimioradiothérapie versus radiothérapie seule en adjuvant. Le bénéfice est surtout net pour les tumeurs p53 anormales, tandis que MMRd et POLEmut ne tirent pas d’avantage clair de la chimiothérapie.

  • Mohammed Haneefa Nizamudeen/istock
  • 09 Septembre 2025
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    Dans le cancer de l’endomètre, depuis la description des quatre sous-groupes moléculaires (POLEmut, MMRd, NSMP, p53abn), intégrés par l’OMS et les recommandations ESGO/ESTRO/ESP/ESMO, la classification moléculaire est devenue centrale pour affiner le pronostic et guider le traitement adjuvant. Dans PORTEC-3, essai international de phase 3 ouvert, 660 patientes avec formes à haut risque (FIGO 2009 : I G3 avec invasion profonde et/ou LVSI, II–III ou histologies séreuses/à cellules claires) ont été randomisées entre radiothérapie pelvienne (48,6 Gy) ou chimioradiothérapie (RT + cisplatine hebdomadaire, puis 4 cycles carboplatine AUC5/paclitaxel).

    Selon les résultats publiés dans The Lancet Oncology, après 10,1 ans de suivi, la survie globale estimée à 10 ans est de 74,4 % sous chimioradiothérapie versus 67,3 % sous RT seule (HRaj 0,73 ; IC à 95 % 0,54–0,97 ; p = 0,032) et la survie sans récidive de 72,8 % versus 67,4 % (HRaj 0,74 ; 0,56–0,98 ; p = 0,034). L’analyse post-hoc par sous-types moléculaires (données disponibles pour 411 patientes) révèle un bénéfice majeur chez p53abn : SG 10 ans 52,7 % vs 36,6 % (HRaj 0,52 ; 0,30–0,91) et SSR 52,6 % vs 37,0 % (HR 0,42 ; 0,24–0,74).

    Quand la biologie bouscule la stratégie

    Les tumeurs p53abn, souvent de phénotype séreux mais non interchangeables avec cette histologie, tirent le plus grand bénéfice de l’escalade adjuvante. À l’inverse, aucun gain n’est mis en évidence pour POLEmut, confirmant leur excellent pronostic, ni pour MMRd, où l’ajout de chimiothérapie n’améliore pas le pronostic par rapport à la radiothérapie seule.

    Le sous-groupe NSMP apparaît hétérogène : le statut des récepteurs aux œstrogènes module fortement le risque, avec une population minoritaire ER-négative à mauvais pronostic semblant bénéficier de la chimiothérapie, alors que les NSMP ER-positifs n’en retirent pas de bénéfice de survie globale et pourraient relever d’options hormonales. Les récidives sont majoritairement à distance, le contrôle vaginal et ganglionnaire pelvien restant excellent avec la radiothérapie dans les deux bras.

    Côté tolérance, la chimiothérapie accroît les toxicités aiguës sévères (≈45 % vs 12 %) et certains effets tardifs de grade ≥2 (29 % vs 19 %), dont une neuropathie sensitive persistante (6 % vs 0 %), imposant un arbitrage bénéfice-risque selon le profil tumoral.

    Vers un traitement adjuvant personnalisé

    PORTEC-3 est un essai multicentrique, randomisé, à minimisation biaisée et stratification (centre, lymphadénectomie, stade, histologie), analysé en intention de traiter, avec 89 % de suivi complet à 10 ans. La classification moléculaire est disponible pour 62 % des cas, représentatifs de la cohorte globale, et s’appuie sur des marqueurs substitutifs validés (IHC p53, MMR ; POLE).

    Malgré la puissance limitée pour tester l’interaction traitement × sous-type, la cohérence des effets observés soutient des implications immédiates selon les auteurs : recommander une chimioradiothérapie adjuvante pour les cancers p53abn (stades I–III), ne pas intensifier au-delà de la radiothérapie pour POLEmut (plutôt envisager la désescalade en contexte d’essai), privilégier des stratégies d’immunothérapie en adjuvant pour MMRd dans le cadre d’études en cours, et individualiser l’approche NSMP selon le statut ER (chimiothérapie pour ER-négatifs, discussion hormonothérapie/désescalade pour ER-positifs).

    Les perspectives se concentrent sur l’intégration en routine du profil moléculaire en anatomopathologie, l’évaluation de combinaisons innovantes dans p53abn (inhibiteurs de PARP, anticorps conjugués anti-HER2) et la confirmation, en essais dédiés, des stratégies d’adjuvant adaptées à MMRd et NSMP. En somme, la biologie doit désormais piloter l’intensité de l’adjuvant dans l’endomètre à haut risque.

     

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