Prévention
Changer la définition de l’obésité : une fausse bonne idée ?
Une étude alerte sur les effets d’une nouvelle définition de l’obésité, qui inclurait seulement les personnes déjà atteintes de maladies associées comme le diabète. Et qui ferait donc chuter les chiffres... artificiellement. Au grand dam de la prévention.

- Par Stanislas Deve
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- Nenov / istock
Une nouvelle définition de l’obésité, fondée sur d’autres critères que l’indice de masse corporelle (IMC), pourrait faire chuter sa prévalence dans le monde, mais de manière totalement artificielle, alerte une vaste étude internationale. Publiée dans PLOS Global Public Health, cette recherche, menée par des scientifiques venus des Etats-Unis, d’Australie, de Chine et de Pérou, soulève des inquiétudes majeures sur les effets réels de cette redéfinition.
Obésité : de nouveaux critères plus restrictifs
Actuellement, l’obésité est définie principalement par l’IMC, qui compare le poids à la taille. Mais certains experts proposent de ne considérer une personne comme cliniquement obèse que si elle présente déjà une pathologie associée, comme le diabète, l’hypertension artérielle ou un taux de cholestérol élevé. En analysant les données de 56 pays et de plus de 142.000 adultes, les chercheurs ont observé une baisse significative de la prévalence de l’obésité avec cette nouvelle définition, parfois supérieure à 50 %.
L’exemple du Malawi, dans le sud-est de l’Afrique, est très parlant : la prévalence de l’obésité a chuté de 68 % chez les hommes et de 53 % chez les femmes. Mais cette diminution apparente pose un problème. "Cette réduction de l’obésité n’est pas réelle", prévient le Dr Rodrigo Carrillo-Larco, principal auteur de l’étude et professeur à l’université Emory (Atlanta), dans un communiqué. "C’est une baisse artificielle, due à une définition plus stricte", souligne-t-il.
Un risque pour la prévention
Or, ce changement pourrait avoir des conséquences lourdes en matière de santé publique. En n’étant plus considérés comme obèses, des individus pourraient cesser d’être suivis ou sensibilisés, alors qu’ils demeurent bel et bien à risque. "Ce n’est pas parce qu’une personne a un IMC élevé mais pas encore de comorbidité qu’elle n’est pas en danger, insiste le Dr Carrillo-Larco. Elle devrait continuer à recevoir des conseils de prévention, manger sainement, pratiquer une activité physique et viser un poids optimal." Les auteurs de l’étude appellent donc à la prudence avant toute modification des normes, rappelant que définir l’obésité influe sur les soins prodigués, les politiques de santé et la conscience individuelle des risques.