Principe de précaution

Pesticides : ce que dénonce la tribune choc contre la loi Duplomb

Adoptée début juillet, la loi Duplomb autorise le retour encadré d’un pesticide interdit depuis 2018. Une coalition de scientifiques, médecins et patients appelle le Conseil constitutionnel à la censurer, au nom du principe de précaution.

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  • 30 Jul 2025
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    "La loi Duplomb est une loi qui ne passe pas. Qui ne passe pas pour les Françaises et les Français victimes des maladies induites par les pesticides, dont la colère est légitime [...] Qui ne passe pas pour les scientifiques, qui constat[ent] les effets dévastateurs des pesticides sur le vivant [...] Qui ne passe pas pour de nombreux agriculteurs, qui savent bien que la destruction des insectes pollinisateurs affectera la majorité d’entre eux."

    C’est ce que dénonce ce mardi une tribune de sociétés savantes et d'associations de patients, publiée ce mardi par Le Monde. Les signataires appellent le Conseil constitutionnel à rejeter le texte, définitivement adopté par les parlementaires début juillet. L’institution a jusqu'au 11 août pour se prononcer.

    Un principe en jeu : la précaution environnementale

    A l'heure où la pétition contre cette loi, qui permet la réintroduction sous conditions d'un pesticide (l’acétamipride) interdit en France depuis 2018, a dépassé la barre des deux millions de signatures, cette tribune appelle les Sages du Conseil à "répondre à l'exigence démocratique exprimée fortement par les citoyens français".

    Les auteurs de la tribune pointent l’incompatibilité de la loi Duplomb avec le principe de précaution inscrit dans la Charte de l’environnement. Selon eux, cette loi "compromet, sans l'ombre d'un doute raisonnable, la santé des jeunes, des enfants et de ceux à naître". Ils en appellent au Conseil constitutionnel pour protéger les générations futures face aux conséquences sanitaires des pesticides.

    Parmi les signataires figurent des personnalités issues du monde médical et scientifique : Agnès Linglart (Société française de pédiatrie), Maxime Molina (Fondation pour la recherche médicale), ou encore Olivier Coutard (CNRS). Leur message est clair : "Nos règles constitutionnelles peuvent et doivent être interprétées à la lumière des données de la science."

    Une loi adoptée sans les experts

    La méthode d’adoption de la loi est également remise en question. La tribune souligne qu’aucun médecin, toxicologue, épidémiologiste ou représentant d’institutions sanitaires majeures (Inserm, CNRS, Assurance maladie, Mutualité sociale agricole) n’a été auditionné au Sénat. Une absence remarquée alors que les pesticides sont identifiés comme des causes de maladies professionnelles.

    En 2021, l’Inserm a analysé plus de 5.000 études scientifiques. Le résultat ? Une "présomption forte de lien entre l'exposition aux pesticides et la survenue de certains cancers, de troubles neurodégénératifs, pulmonaires, endocriniens." Des chiffres qui renforcent l’urgence d’agir et de ne pas faire marche arrière sur les interdictions acquises.

    Pour les signataires, la mobilisation citoyenne et scientifique ne doit pas être ignorée. "La loi Duplomb est une loi qui ne passe pas", répètent-ils, soulignant qu’elle heurte à la fois les malades, les scientifiques et les agriculteurs eux-mêmes. Reste maintenant au Conseil constitutionnel à trancher.

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    JDF