"Sleepmaxxing"
Sommeil : attention aux fausses promesses sur les réseaux sociaux
Se scotcher la bouche, avaler des kiwis... Les pratiques du "sleepmaxxing", destinées à optimiser son sommeil, envahissent les réseaux sociaux. Aussi bien absurdes que dangereuses, selon des spécialistes.

- Par Stanislas Deve
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- Sevda Ercan / istock
Scotcher sa bouche avant de dormir, avaler des kiwis en guise de somnifères ou encore suspendre sa tête au-dessus de l'oreiller : les conseils absurdes du "sleepmaxxing" envahissent TikTok, X et Instagram. Mais ces pratiques largement relayées par des influenceurs sont dénuées de fondement scientifique et peuvent même se révéler dangereuses, alertent des experts du sommeil et de la santé mentale interrogés par l’AFP.
Une mode virale mais sans base médicale
La tendance "sleepmaxxing", apparue à l'automne dernier, promet de "maximiser" qualité et durée du sommeil grâce à une série de routines prétendument miracles : ne rien boire deux heures avant le coucher, manger beaucoup de kiwis (une technique qui ne sort pas non plus de nulle part), dormir dans une pièce glacée, se couvrir d'une couverture lestée, prendre de la mélatonine ou du magnésium, voire... se scotcher la bouche. Certaines vidéos atteignent plusieurs dizaines de millions de vues. Pourtant, "ces conseils [...] sont au mieux inutiles, au pire dangereux pour les gens ayant de véritables troubles du sommeil", alerte la spécialiste britannique Kathryn Pinkham.
Derrière le sleepmaxxing se cache l'orthosomnie, soit une obsession croissante pour un sommeil "parfait". "Même les bons dormeurs ont des nuits irrégulières", rappelle le professeur Eric Zhou, spécialiste du sommeil à Harvard. Il souligne que l'insomnie et l'anxiété peuvent être "traitées efficacement de manière non médicamenteuse", notamment grâce à la thérapie cognitive comportementale, qui peut réduire les symptômes "en quelques semaines".
Ne pas faire du sommeil une source d'anxiété
Certains influenceurs parlent de bien-être, mais "c'est un bon exemple de la manière dont les réseaux sociaux normalisent l'absurde", dénonce Timothy Caulfield, chercheur sur la désinformation à l'université de l'Alberta. En Chine, un cas de "pendaison par le cou", lié à une technique consistant à garder la tête suspendue au-dessus de l'oreiller grâce à une corde attachée à la tête de lit, a choqué les autorités.
Quant au scotch sur la bouche pour ne respirer que par le nez et éviter de ronfler, "aucune étude médicale ne vient le corroborer", indique un récent papier de l'université George Washington. Pire, cela peut être dangereux pour les personnes atteintes, parfois sans le savoir, d'apnée du sommeil.
Si la recherche d'un meilleur sommeil est légitime, elle ne doit pas conduire à suivre aveuglément des influenceurs non qualifiés. Prendre de la mélatonine, par exemple, n’est pas recommandé, sauf éventuellement pour réduire les effets du décalage horaire, selon l'académie américaine de médecine du sommeil. Comme le rappelle le professeur Zhou, l'essentiel reste de "ne pas faire du sommeil une source d'anxiété supplémentaire".